viernes, febrero 07, 2014
A propos de "La peau dure" de Fernanda Garcia Lao (1ère partie)
Ecrit par Claire Mazaleyrat
http://www.lacauselitteraire.fr/
La Peau dure, Fernanda García Lao, éditions La dernière goutte, traduit de l’espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon, mai 2013, 175 pages, 16 €
Partie I
Le corps comme arme sensible du langage.
Si ce n’est pas dans La Peau dure que vous trouverez des phrases choc à la Chadorth Djavan, type « Je ne suis pas celle que je suis », c’est bien de cette étrangeté à soi-même qu’il s’agit. Le roman de l’auteur argentine est une incursion dans l’inconscient et ses strates incompréhensibles et limpides, celles des peurs primaires et des fantasmes, ceux du sexe et de la mort, menée avec humour et lyrisme.
La narratrice, actrice sans rôle, erre entre dépression et solitude, entre un petit boulot de vendeuse sous la direction d’une patronne encore plus névrosée qu’elle, un fils adolescent et des répétitions farfelues avec une troupe d’avant-garde, oscillant entre génie et folie. Un jour, elle se coince la main dans un volet, et laisse traîner, faute d’argent pour se faire correctement soigner. La douleur empire, la main se tuméfie, jusqu’au jour où elle perd connaissance, et se réveille amputée de la main droite. On lui greffe alors la main d’une inconnue, et cet organe extérieur reprend en main au sens propre la vie de l’héroïne, agissant à sa place, belle métaphore d’un inconscient qui la pousse à explorer ses fantasmes, sous le prétexte d’une enquête pour déterminer l’origine de cette main : à qui est cet autre moi qu’elle ne parvient pas à considérer comme sa propre main, et qui pourtant lui permet de tenir, enfin, un semblant d’existence entre ses mains ?
Mise en scène surréaliste
On sait combien la psychanalyse est importante dans la culture argentine, et nombreux sont les auteurs qui mettent à profit ces explorations intimes pour donner souffle au roman contemporain. Mais point ici de verbeuses élucubrations sur le moi ni de considérations torturées sur l’histoire familiale : l’inconscient est le point de départ de la poésie et de l’absurde au quotidien, à la manière d’un tableau surréaliste. A partir d’images qui crépitent en fin de chapitre, s’enchaînent des chapitres intitulésPassion mise à tremper, Jus de carotte, Plastique jaune ou Main violette, au cours desquels l’image invoquée en seuil permet de construire le récit : d’étranges correspondances surgissent entre l’image surgie du rêve ou du néant et la réalité de la narratrice, comme cette « main violette », image apparemment surréaliste, absurde, qui n’en acquiert pas moins une douloureuse réalité au cours du chapitre.
A mesure que la main se tuméfie et gangrène, l’horreur de l’image devient réalité, mêlée de considérations sur la cherté des soins et le pourrissement de tout un système de santé qui exclut la jeune femme de la normalité, et la plonge de fait dans les marges. C’est de cette marge sociale que s’élève la voix d’une exclue, femme, désargentée, sans véritable travail et sans mari, bref une déclassée.
« J’ai payé mes factures et je n’ai plus un sou. Je ne sais pas comment je vais survivre dans cette ville en luttant contre le climat et la folie. Une humidité dense envahit mes pensées. Parfois, le vent souffle très fort. Il agite le palmier de la cour arrière et me fait peur ou m’emplit de bonheur. C’est un mélange de terreurs aussi pâles que les joues de la mort. Je déteste mon travail au magasin pour enfants. Je déteste ce que je suis », (p.33).
Et c’est précisément parce que cette voix surgit des marges qu’elle peut tout dire, tout ce qui lui passe par la tête, à la manière de ce que profèrent les acteurs dans leurs séances de répétitions absurdes. Chacun y braille des phrases incompréhensibles, tout en effectuant des actions sans rapport avec ce qu’ils disent, sans aucun dialogue entre les personnages, qui semblent juxtaposés sur scène les uns à côté des autres, et ce brouhaha dérangeant est à l’image même d’une société qui exclut ceux qui ne parviennent pas à faire semblant.
Si Violeta peut tout dire, c’est que nul ne l’écoute, que sa parole de marginale n’a pas de portée : c’est l’image même du « conte dit par un fou, plein de bruit et de fureur, qui ne signifie rien » de Shakespeare : le théâtre comme mise à nu de l’absurdité du monde. L’inconscient est en effet déshabillé, à l’instar de l’héroïne filmée lors d’une scène de sexe, à la fin du roman, dont le corps est exposé à la caméra sans qu’il ne signifie rien, alors qu’elle partage dans le lit un petit-déjeuner avec son partenaire de jeu, dans la plus totale indifférence des caméras. Corps souffrant, comme absent à lui-même, corps intime exposé au public, corps traversé de part en part, corps martyrisé ingurgité et vomi. Le théâtre est un puissant levier pour mettre en scène cette folie du corps, féminin en l’occurrence, donné en pâture à des spectateurs, comme pour une provocante eucharistie désacralisée.
IMPRO 5 : MOMENT POULE AVEUGLE
Jungle accélère ses roulements de tambour et les voisins se plaignent.
Texte : Mon Christ mutilé. Ce matin, nous avons mangé Dieu. Certains ont sucé ses côtes avec dévotion. D’autres ont souillé sa chair divine en rotant grossièrement. La passion est un effet secondaire.
Taille monte sur le meuble et vomit des cercueils miniatures. Ils mesurent 1,25 m. Ce sont les fils de ses morts. Onze petits mannequins.
Jungle s’allonge à plat ventre sur l’un d’entre eux.
Chanson: I can’t scrub this mess.
Consuelo agrafe et dégrafe son chemisier machinalement.
Texte : Je ne vois rien d’autre que la réalité. Regarder devant moi me donne la nausée. Je préfère réviser le passé. Avant cela, j’étais quelqu’un.
Avec un marteau et des clous de quinze centimètres, Taille cloue et décloue les petits couvercles morts.
Dans ce passage, les acteurs se livrent chacun à une activité qui semble sans rapport avec celle des autres, de même que les textes dits et la chanson renforcent l’absurde par l’absence de sens pour relier les mots au spectacle donné. Mais c’est bien le corps qui est au centre de cette scène, et du roman tout entier : corps du Christ donné et mangé par ses disciples, corps de la femme donné à voir, jeté en pâture, corps morts dans les petits cercueils, corps des acteurs qui s’activent « machinalement », machines à parler et à jouir, machines à agir normalement. Chez Violeta, la machine s’enraye, le mécanisme se grippe dans un mouvement on ne peut plus mécanique, celui qui consiste à relever un store dans un magasin où elle est vendeuse. C’est dans cette réalité toute bête que l’héroïne se fait attraper, broyer, comme s’il fallait à tout prix, par un effet de l’ironie du destin, rendre des comptes au réel dont elle tente de s’enfuir.
Ce qui fait la force du texte et sa justesse réside dans le passage perpétuel entre le fantasme et la réalité la plus concrète : de même que l’image des fidèles qui « sucent les côtes » du Christ pendant l’eucharistie et « rotent grossièrement » font de la messe une scène de cannibalisme terrifiante, rappelant la violence symbolique de la mise à mort du Christ imprégnant tout le catholicisme, on hésite dès la première phrase de cette scène sur l’origine de ces plaintes de voisins : sont-ils des voix off sur scène ou les voisins des théâtreux, frappant aux murs ou au plafond pour sommer les acteurs de faire moins de bruit ? Est-on dans le récit ou la mise en scène, comme coupée du monde ?
A chaque instant du récit proprement dit, hors des scènes de théâtre rapportées par la narratrice, d’autres phénomènes semblables permettent de nouer réalité et inconscient, mise en scène et démembrement, comme pour marquer la quête d’une vérité au-delà des apparences, ou plutôt en marge de celle-ci. Tout semble faux, comme cette scène à l’opéra où Violetta découvre son amant caché derrière un rideau en train de faire l’amour à Lucrecia, la femme des amis avec lesquels ils sont venus, comme la soirée chez ces derniers, comme la scène au cimetière, où Violetta semble tomber amoureuse du gardien boiteux, comme tout ce qui semble être la réalité au premier degré. Et pourtant, la vérité est derrière chacune de ces scènes qui sonnent faux, paradoxalement. En effet, c’est dans ce grincement même, cette artificialité mise en scène à grand renfort de distance narrative, que se joue quelque chose de l’ordre de la vérité universelle : l’impossible simplicité du rapport au monde et aux autres.
« Nous sommes toi, connasse. Dans ta peau nous découvrons le monde », profère un acteur (Taille ?) lors d’une scène mi-sexuelle mi-violente ou absurde, qu’insère la narration. Les rapports violents et absurdes, dont le corps (féminin) est le reflet et le symptôme, sont au cœur de ce texte qui dit l’impossibilité d’un rapport simple et harmonieux avec les autres. Ce n’est pas que le corps fasse obstacle, comme dans les textes idéalistes qui rêvassent sur la communion des âmes, non. C’est que nul n’est soi entièrement, nul n’est soi sans intégrer dans sa chair une part d’altérité, une part obscure et indéfinissable, une part qu’il faut tenter de saisir : l’inquiétante étrangeté de Freud, en somme.
Fernanda García Lao dit cette difficulté à s’appréhender soi-même en tant qu’objet étranger, à travers un texte dense, complexe, déconcertant car on ne comprend pas toutes les images, sinon leur poésie et leur incongruité drôle et violente, parce qu’on ne sait plus à quel moment elle raconte une histoire, à quel moment elle se laisse embarquer par l’imagination de sa narratrice, à quoi tendent les scènes insérées, vers quel dénouement. Son héroïne est elle-même double, si ce n’est triple, à la recherche d’elle-même alors qu’elle est amputée d’une part de son corps en déliquescence, rejeté, à travers la métaphore de cette main pourrie et greffée qu’on lui ajoute, et se disperse dans les autres et dans la ville, figure de l’errance, de la folie et d’un certain désespoir. Cette duplicité du personnage, mise en scène par l’objet étranger qu’on lui greffe et qui l’attire vers le personnage d’une mystérieuse Elizabeth, puis vers la jeune Maureen morte dans des circonstances étranges, est renforcée par un petit jeu d’onomastique : la narratrice Violeta est opérée par le chirurgien Parra, comme si la figure de la chanteuse chilienne émergeait d’un enchevêtrement confus tout droit sorti du rêve. Le dédoublement de l’héroïne contribue à la dilution d’un sujet, dans une quête métaphysique et dérisoire, que résument ces quelques mots : « Je suis une invention de ma main. Fait-il jour dehors ? », ou bien, plus loin : « Malade de toute réalité, rien ne me va. / Est-ce un excès de corps ou un trou de mémoire ? ». L’autre et le même, le corps comme enveloppe du soi et objet étranger, l’excès et le manque résonnent dans ces aphorismes de fins de chapitre comme des énigmes, forgées sur des jeux de mots, des glissements de sens, des révélations surréalistes, faisant surgir du lapsus une vérité, celle du doute et de l’ambiguïté. « Je suis une invention de ma main », en particulier, est une formule particulièrement riche, qui marque la transformation de Violetta par son opération et la greffe, le nouveau personnage qu’elle incarne à travers l’accessoire de la main, comme au théâtre un costume vous fait devenir le personnage que vous jouez. Mais la main est aussi celle du démiurge, celle qui fabrique et celle qui écrit, mettant alors en abyme l’écriture : je suis ce que j’écris, le personnage que je crée en l’écrivant, en le faisant agir.
On voit bien comment la duplicité du moi, l’impossible coïncidence à soi-même métaphorisée par la greffe, trouve tout son sens à travers la problématique du jeu d’acteurs : le rapport à la réalité est au moins double, et toujours marqué par le mélange d’observations concrètes et de divagations métaphysiques.
Claire Mazaleyra
A propósito de La piel dura
Parte 1
El cuerpo como arma sensible del lenguaje.
En La Piel dura usted no encontrará frases de choque, como en Chadorth Djavan, quien se caracteriza por decir "no soy la que soy", pero sí mucha extrañeza. La novela de la autora argentina es una incursión en el inconsciente y sus estratos incomprensibles y límpidos, las miedos primarios y fantasmas, los del sexo y la muerte, manejados con humor y lirismo.
La narradora, una actriz sin papel, yerra entre la depresión y la soledad, entre un pequeño trabajo de vendedora bajo la dirección de una dueña todavía más neurótica que ella, un hijo adolescente y ensayos extravagantes con una compañía de teatro de vanguardia, oscilando entre el genio y la locura. Un día, su mano queda atrapada en un postigo, y por falta de dinero se deja estar, no la cuida correctamente. El dolor empeora, la mano se hincha, y un día pierde el conocimiento y se despierta amputada de la mano derecha. Le incorporan entonces la mano de una desconocida, y este órgano exterior retoma en sentido propio la vida de la heroína, actuando en su lugar, bella metáfora de un inconsciente que la empuja a explorar sus fantasmas, bajo el pretexto de una investigación para determinar el origen de esta mano.
Puesta en escena surrealista.
Sabemos cuán importante es el psicoanálisis en la cultura argentina, son numerosos los autores que aprovechan estas exploraciones íntimas para dar soplo a la novela contemporánea. Pero no se trata aquí de verbosas elucubraciones sobre el yo ni de consideraciones torturadas sobre la historia familiar: el inconsciente es el punto de partida de la poesía y del absurdo cotidiano, a manera de un cuadro surrealista. A partir de imágenes que crepitan al final de capítulo, se encadenan capítulos titulados Pasión a remojo, Jugo de zanahoria, Plástico amarillo o Mano violeta, en el curso de los cuales, la imagen invocada al principio funciona como umbral para construir el cuento: Surgen correspondencias extrañas entre la imagen que emerge del sueño o de la nada, y la realidad de la narradora, como esta " mano violeta ", llena de imágenes aparentemente surrealistas, absurdas, pero no por eso menos dolorosas.
A medida que la mano se hincha y gangrena, el horror de la imagen se hace realidad, mezclada por consideraciones sobre el costo elevado y la podredumbre de todo un sistema de salud que la excluye de la normalidad, y la sumerge de hecho en los márgenes. Es del margen social que se alza la voz de esta excluido, una mujer, sin dinero, sin trabajo verdadero y sin marido, una absoluta venida a menos.
« J’ai payé mes factures et je n’ai plus un sou. Je ne sais pas comment je vais survivre dans cette ville en luttant contre le climat et la folie. Une humidité dense envahit mes pensées. Parfois, le vent souffle très fort. Il agite le palmier de la cour arrière et me fait peur ou m’emplit de bonheur. C’est un mélange de terreurs aussi pâles que les joues de la mort. Je déteste mon travail au magasin pour enfants. Je déteste ce que je suis », (p.33).
Y es precisamente porque esta voz surge de los márgenes que puede decir todo, todo lo que le pasa por la cabeza, a la manera de los actores de su obra en sus ensayos absurdos. Cada uno grita frases incomprensibles, efectuando acciones que no tienen relación con lo que dicen, sin ningún diálogo entre los personajes, parece que estuvieran yuxtapuestos sobre escena unos al lado de otros. Este bullicio perturbador es la exacta imagen de una sociedad que excluye a los que no saben fingir.
Si Violeta puede decir todo, es porque nadie la escucha, porque su palabra de marginal no tiene alcance: es como en el cuento del loco, lleno de ruido y de furor, que no significa nada, de Shakespeare: el teatro como puesta al desnudo del absurdo del mundo. El inconsciente es desvestido, en efecto, como la heroína filmada en el momento de una escena de sexo, al final de la novela, cuyo cuerpo es expuesto a la cámara sin que signifique nada, mientras que comparta en la cama el desayuno con su socio de juego, en la indiferencia más total de las cámaras. Cuerpo indispuesto, como ausente, cuerpo íntimo expuesto al público, el cuerpo atravesado de parte a parte, el cuerpo martirizado ingurgitado y vomitado. El teatro es un incentivo poderoso para dirigir esta locura del cuerpo, femenino en este caso, entregado a espectadores, como en una provocadora eucaristía desacralizada.
IMPRO 5 : MOMENT POULE AVEUGLE
Jungle accélère ses roulements de tambour et les voisins se plaignent.
Texte : Mon Christ mutilé. Ce matin, nous avons mangé Dieu. Certains ont sucé ses côtes avec dévotion. D’autres ont souillé sa chair divine en rotant grossièrement. La passion est un effet secondaire.
Taille monte sur le meuble et vomit des cercueils miniatures. Ils mesurent 1,25 m. Ce sont les fils de ses morts. Onze petits mannequins.
Jungle s’allonge à plat ventre sur l’un d’entre eux.
Chanson: I can’t scrub this mess.
Consuelo agrafe et dégrafe son chemisier machinalement.
Texte : Je ne vois rien d’autre que la réalité. Regarder devant moi me donne la nausée. Je préfère réviser le passé. Avant cela, j’étais quelqu’un.
Avec un marteau et des clous de quinze centimètres, Taille cloue et décloue les petits couvercles morts.
En este pasaje, los actores se entregan cada uno a una actividad que parece no estar relacionada con la de los demás, al igual que los textos dichos y la canción, que refuerzan el absurdo por la ausencia de sentido, para unir las palabras al espectáculo dado. Pero es el cuerpo el que está en el centro de esta escena, y en el centro de la novela entera: cuerpo de Cristo dado y comido por sus discípulos, cuerpo de la mujer dado a ver, echado en el pasto, cuerpos muertos en los pequeños ataúdes, el cuerpo de los actores que se activan "automáticamente", máquinas de hablar y de gozar, máquinas de actuar.
En casa de Violeta, la máquina deja de funcionar, el mecanismo se agarrota precisamente en un movimiento mecánico, el que consiste en levantar una persiana en una tienda donde ella trabaja. Es en la realidad más tonta donde la heroína se deja atrapar, moler, como si a cualquier precio, por un efecto de la ironía del destino, tuviera que rendir cuentas a la realidad de la que intenta huir.
Lo que hace fuerte al texto y su precisión, reside en el paso continuo de lo fantasmal a la realidad más concreta: lo mismo que la imagen de los fieles que " chupan las costillas " del Cristo durante la eucaristía y " eructan groseramente " haciendo de la Misa una escena terrorífica de canibalismo, recordando la violencia simbólica de la muerte del Cristo que impregna todo el catolicismo, vacilamos desde la primera frase de esta escena en el origen de las quejas de unos vecinos: ¿son voces off sobre escena o el llamado real de los vecinos del teatro, desde las paredes o el techo que intiman a los actores a que hagan menos ruido? ¿Es parte de la historia o una puesta en escena tan aislada del mundo?
A cada instante del relato propiamente dicho, fuera de las escenas de teatro producidas por la narradora, otros fenómenos semejantes permiten anudar realidad e inconsciente, puesta en escena y desmembramiento, como para marcar la búsqueda de la verdad más allá de las apariencias, o más bien, al margen de ésta.
Todo parece falso, como en esa escena en la ópera donde Violeta descubre a su amante escondido detrás de una cortina a punto de hacer el amor con Lucrecia, la mujer de los amigos con los cuales vinieron, como la escena del cementerio, donde Violeta parece enamorarse del guardián rengo, como todo lo que parece ser una realidad de primer grado. Y sin embargo, la verdad está detrás de cada una de estas escenas que parecen falsas, paradójicamente. En efecto, es en este mismo rechinamiento, esta artificialidad puesta en escena con gran cantidad de distancia narrativa, que se juega algo del orden de la verdad universal: imposible sencillez del informe el mundo y de los otros.
" Nosotros somos vos, pelotuda. En tu piel descubrimos el mundo ", profiere un actor en el momento de una escena medio sexual medio violenta o bizarra, que se inserta a la narración. Las relaciones violentas y absurdas, cuyo cuerpo femenino es el reflejo y el síntoma, están en el corazón de este texto que habla de la imposibilidad de una relación simple y armoniosa con los otros. El tema no es que que el cuerpo sea un obstáculo, como en los textos idealistas que sueñan despiertos sobre la comunión de las almas, no. El caso es que ninguno es quien es totalmente, ninguno es en sí, sin integrar en su carne una parte de alteridad, una parte oscura e indefinible, una parte que hay que intentar atrapar: la extrañeza inquietante de Freud, en suma.
Fernanda García Lao habla sobre la dificultad de aprehenderse a uno mismo como objeto, a través de un texto denso, complejo y desconcertante donde no se comprenden todas las imágenes, si no su poesía y su incongruencia divertida y violenta, porque no se sabe en qué momento cuenta una historia y en cuál se deja embarcar por la imaginación de su narradora, a qué tienden las escenas insertadas, hacia qué desenlace. Su heroína es doble, si no triple, mientras que es amputada de una parte de su cuerpo en decadencia, a través de la metáfora de esta mano podrida e incorporada que se le añade, y se dispersa en otras y en la ciudad, figura del vagabundeo, de la locura y de la desesperación. Esta duplicidad del personaje, la puesta en escena por el objeto extraño que se le incorpora y que lo atrae hacia el personaje de una misteriosa Elizabeth, luego hacia la joven Maureen muerta en circunstancias extrañas, es reforzada por un pequeño juego onomástico: la narradora Violeta es operada por el cirujano Parra, como si la figura de la cantante chilena emergiera de un encabestramiento confuso sacado del sueño. El desdoblamiento de la heroína contribuye a la dilución de un sujeto, en una búsqueda metafísica e irrisoria, que se resume en estas algunas palabras:
« Je suis une invention de ma main. Fait-il jour dehors ? », ou bien, plus loin : « Malade de toute réalité, rien ne me va. / Est-ce un excès de corps ou un trou de mémoire ?
El otro y uno mismo, el cuerpo en sí y como objeto extraño, el exceso y la carencia resuenan en estos aforismos de final de capítulo como enigmas, forjados sobre juegos de palabras, deslizamientos de sentido, revelaciones surrealistas, haciendo surgir del lapsus la verdad, la duda y la ambigüedad.
" Soy una invención de mi mano ", en particular, es una fórmula particularmente rica, que marca la transformación de Violeta por su operación y el injerto, el nuevo personaje al que encarna a través del accesorio de la mano, como en el teatro un traje hace al personaje de quien lo interpreta. Pero la mano es también la del demiurgo, la que fabrica y la que escribe, poniendo de allí en más el abismo de la escritura: soy lo que escribo, el personaje al que creo escribiéndolo, haciéndolo actuar. Vemos bien cómo la duplicidad del yo, imposible coincidencia en sí misma metaforizada por el injerto, encuentra todo su sentido a través de la problemática del juego de actores: la correlación con la realidad es doble por lo menos, y siempre está marcada por la mezcla de observaciones concretas y de divagaciones metafísicas.
Traducción FGL
Fernanda García Lao: “Me interesa lo que el cuerpo le hace al lenguaje y viceversa”
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